Goût de Champagne ? Le Juge doit vérifier personnellement.

Publié le : 19/02/2018 19 février févr. 02 2018

Imaginons que vous souhaitez créer un sorbet au goût Champagne - avec 12% de vrai Champagne dedans - mais que vous n’êtes pas un producteur de Champagne et pas un revendeur de « Luxe ». Cependant, cette appellation « Champagne Sorbet » serait des plus chics dans votre stand et permettrait d’attirer sur vous la qualité et le prestige véhiculés par la réputation du Champagne. Malgré vos doutes, vous vous lancez et vos ventes décollent ! Vos sorbets s’écoulent à flot et là, au détour de lettres de félicitations, vous trouvez une assignation en Justice, délivrée par le Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne qui sollicite du juge qu’il vous condamne à cesser de vendre votre glace sous l’appellation « Champagne Sorbet », parce que cela viole l’appellation d’origine protégée « Champagne ». Malheur. Ni une, ni deux, vous appelez votre conseil habituel afin qu’il vous défende. En fin juriste et connaisseur, ce dernier goûte votre sorbet et trouve que celui-ci a un délicieux goût de Champagne. Sa ligne de défense sera celle-ci : votre sorbet Champagne a un bon goût de Champagne et, par conséquent, ne viole pas l’appellation d’origine protégée (AOP). La juridiction saisie est attentive aux arguments de votre conseil mais décide cependant de poser la question à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) afin que celle-ci lui donne son interprétation sur la réglementation de l’Union sur la protection des appellations d’origine protégée. La CJUE répond que l’exploitation illicite de la réputation d’une AOP suppose une utilisation de cette AOP visant à profiter indûment de la réputation de celle-ci. Banco ! Votre sorbet ayant bien le goût de Champagne, vous êtes sauvé. Car, en effet, il n’y a aucun profit tiré indûment de l’AOP « Champagne » si le produit en cause a, comme caractéristique essentielle, un gout généré principalement par le Champagne. La CJUE renvoi ensuite à la juridiction nationale le soin d’apprécier si, dans le cas d’espèce, le sorbet a précisément le gout de Champagne. Généreux, vous distribuez votre Sorbet Champagne à vos juges qui, comme votre conseil avant eux, sont unanimes : « Oui, ça a le goût du Champagne ». Vous avez gagné. Source : CJUE, 20 décembre 2017, Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne c/ Aldi, C-393/16

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