« Je m'appelle Fañch, avec un tilde sur le n »

Publié le : 23/01/2019 23 janvier janv. 01 2019

Le 11 mai 2017 à Quimper, naissait un enfant que ses parents voulaient prénommer Fañch comme son arrière-grand-père breton.  Lors de la déclaration de naissance, l'officier d'état civil a refusé de prendre en compte le tilde sur la lettre n et a donc inscrit comme prénom « Fanch ». Cette affaire a engendré une telle polémique que la ville a fini par sommer l'officier d'état civil de faire marche arrière, ce qu'il a fait le 15 mai 2017, par le biais d'une rectification au visa des articles 99-1 du Code civil et 1047 du Code de procédure civile, en ajoutant le tilde sur le n. Cette rectification n'a pas plu au Ministère public : le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Quimper a saisi le Président de cette juridiction aux fins d'annulation de la rectification. L'article 57 du Code civil prévoit la liberté de choix du prénom de l'enfant par ses parents. Ainsi, à moins que le prénom choisi soit contraire à l'intérêt de l'enfant ou méconnaisse le droit des tiers à voir protéger leur nom de famille, le choix des parents ne devrait pas pouvoir être remis en cause. Mais pour demander l'annulation de la rectification, le Ministère public s'appuyait sur un autre principe de droit français : il se fondait sur la circulaire du 23 juillet 2014 relative à l'état civil. Cette dernière, après avoir rappelé le principe de la liberté du choix du prénom découlant de l'article 57 du Code civil, se fonde sur deux textes pour restreindre ce choix : la loi N°118 du 2 Thermidor An II qui dispose que les actes publics doivent être écrits en langue française sur le territoire de la République, et l'article 2 alinéa 1er de la Constitution qui prévoir que la langue de la République est le français.  La circulaire rappelle ensuite divers textes réglementaires découlant de ces deux lois, d'où il résulte que « seul l'alphabet romain peut être utilisé » et que seul « seuls les signes diacritiques admis sont les points, trémas, accents et cédilles tels qu'ils sont souscrits ou suscrits aux voyelles et consonnes autorisées par la langue française ». La circulaire en conclut : « Ces règles ici rappelées ne font pas obstacle au principe de liberté du choix des prénoms de l'enfant par les parents : les parents peuvent choisir les prénoms de leurs enfants, pouvant à cet égard faire usage d'une orthographe non traditionnelle, sous réserve toutefois qu'elle ne comprenne que les lettres diacritées et les ligatures de la langue française ci-dessus rappelées ». Le juge de première instance avait annulé la rectification en considérant que la liberté des parents doit connaître des limites lorsqu'il s'agit d'utiliser une orthographe qui comprend un signe diacritique non reconnu dans la langue française et qu'admettre l'inverse reviendrait à rompre la volonté de l’État de droit de maintenir l'unité du pays et l'égalité sans distinction d'origine. La Cour d'appel de Rennes a infirmé le jugement. Après avoir rappelé que la circulaire n'a pas de valeur normative, elle s'est interrogée sur les modalités d'application du principe de la rédaction en langue française des actes publics. Elle s'est appuyée sur la notion de « signes connus de la langue française » retenue par la circulaire. Les parents, à l'appui de leur appel, fournissaient des éléments démontrant selon eux que le tilde sur la lettre était admis en langue française. La Cour d'appel leur a donné raison en relevant que le tilde figurait à plusieurs reprises dans les principaux dictionnaires de la langue française (par exemple : cañon, doña, señorita), ainsi que dans divers arrêtés et décrets émanant de l'autorité publique dans lesquels le patronyme des personnes concernées était orthographié avec un tilde sur le n (par exemple : décrets du Président de la République du 20 mai 2017 portant nomination du consul général de France à Johannesburg, du 15 avril 2010 portant nomination du sous-préfet de Bayonne et du 15 mai 2015 portant nomination du Préfet de police des Bouches du Rhône).  Sur ce dernier point, il s'agissait certes de l'emploi du tilde sur le n du patronyme de la personne nommée. Toutefois, selon la Cour, l'emploi du tilde sur le n d'un prénom, qui désigne le nom particulier à la naissance, qui s'associe au patronyme pour distinguer chaque individu, ne peut être traité différemment sous peine de générer une situation discriminatoire.  La Cour a également retenu que le prénom Fañch avait déjà été inscrit, avec cette graphie, à deux reprises, à Rennes en 2002 puis à Paris en 2009. La juridiction d'appel en conclut qu'il est possible d'inscrire Fañch ainsi orthographié sur un acte de naissance sans porter atteinte au principe de rédaction des actes publics en langue française ni à l'article 2 de la Constitution. Cour d'appel de Rennes, 19 novembre 2018, N°17/07569  

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