Obligation alimentaire : un organisme public subrogé dans les droits d'un créancier d'aliments peut-il saisir la juridiction de la résidence habituelle du créancier ?

Publié le : 19/12/2020 19 décembre déc. 12 2020

L'hypothèse n'est pas d'école. Il existe, à l’échelle de l’Union Européenne, des milliers de situations, dans lesquelles une maison de retraite, un hôpital ou une institution paient des sommes pour le compte d'une personne qui est créancière d'aliments. Très souvent les débiteurs sont ses enfants ou ses petits-enfants, qui peuvent être éparpillés dans différents Etats. La question est de savoir si l'action récursoire de l'organisme public peut bénéficier des dispositions du Règlement "Aliments" n° 4/2009 du 18 décembre 2008, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions. En l'espèce, un organisme public allemand avait versé des aides sociales à une personne hébergée dans un établissement de soins allemand, et voulait se retourner contre son enfant résidant à Vienne, en Autriche, qui était débiteur d'une pension alimentaire au profit de sa mère. Les premiers juges avaient considéré que seul le créancier d'aliments pouvait se prévaloir de l'article 3 du Règlement Obligations alimentaires permettant au créancier de saisir le tribunal de son domicile, alors que la Cour d'Appel avait décidé le contraire. On comprend bien l’intérêt de la question pour l’organisme public payeur qui aimerait bien pouvoir assigner le débiteur devant le Juge de la résidence habituelle du créancier, c’est-à-dire de la personne pour laquelle il paie des prestations, et qui le plus souvent réside dans ou à proximité de chez lui. * * * Originellement, sous l'égide de la Convention de Bruxelles, la Cour de justice de l'Union européenne avait refusé à un organisme public subrogé le droit d'invoquer ce texte. La question qui se posait alors était de savoir par conséquent si la solution donnée sous l'empire de la Convention de Bruxelles pouvait encore valoir sous l'égide du Règlement n° 4/2009. La Cour de justice de l'Union européenne a appliqué sa méthode d'interprétation habituelle en s'intéressant d'abord au libellé de la règle pour constater que l'article 3 du Règlement « Obligations alimentaires » prévoit différents chefs de compétences alternatifs, sans préciser que la demande doit être introduite par le créancier d'aliments. Il n'interdit pas que l'action soit introduite par un organisme public subrogé. S'interrogeant ensuite sur les finalités de la règle, la Cour de justice de l'Union européenne constate qu'admettre ce chef de compétence est conforme aux objectifs du Règlement, qui est de faciliter le recouvrement des créances internationales d'aliments et n'altère en rien la bonne administration de la justice. Admettre que l'organisme public subrogé soit autorisé à saisir la juridiction du lieu de résidence habituelle du créancier est également cohérent avec le système du Règlement 4/2009 qui n'est pas construit comme la Convention de Bruxelles sur une logique de principe d'exception mais prévoit des règles de compétences alternatives. Dans ces conditions, la Cour de justice de l'Union européenne a admis qu'un organisme public subrogé dans les droits d'un créancier puisse saisir les juridictions compétentes de la résidence habituelle dudit créancier, ce qui le plus souvent facilitera les choses pour lui, d'une action en paiement d'obligation alimentaire vis-à-vis de débiteurs d'aliments qui peuvent avoir quant à eux, leur résidence habituelle sur le territoire d'autres Etats. *   *   * Cour de justice de l'Union européenne, 17 septembre 2020, affaire n° C-540/19, Jurisdata n° 2020-015651.

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