La saga airbnb,… suite mais pas encore fin…

Publié le : 19/10/2020 19 octobre oct. 10 2020

On rappellera ici cette affaire qui a déjà été évoquée dans notre lettre mensuelle. La législation française prévoit que l'activité de location meublée touristique ne peut être exercée dans un local à usage d'habitation qu'après obtention par le propriétaire d'une autorisation particulière fournie par les services de la mairie : le changement portant autorisation de changement d'usage, selon les dispositions de l'article L631-7 du Code de la Construction et de l'Habitation. Toutes communes de plus de 200 000 habitants et de la petite couronne parisienne peuvent prendre des délibérations municipales visant à mettre en place un régime relatif aux autorisations de changement d'usage et prévoir un mécanisme de compensation. La ville de PARIS l'a fait et a mis en place un mécanisme de compensation, particulièrement strict, pour pouvoir louer, en location meublée de courte durée, une résidence principale plus de quatre mois par an ou une résidence secondaire. Le propriétaire doit déclarer son bien en mairie et présenter d'autres locaux situés dans le même arrondissement ou quartier, comme des bureaux ou des commerces qu'il s'engage à transformer en logement dont la superficie est soit égale, soit selon les arrondissements, jusqu'à deux fois supérieure au bien mis en location. Des loueurs ont été condamnés par la justice française pour avoir loué leur logement sur airbnb au-delà des limites fixées par la loi et sans être passés par la procédure de changement d'usage. Saisie du litige, la Cour de Cassation a posé une question préjudicielle à la Cour de Justice de l'Union Européenne (Cassation civile 3e, 15 novembre 2018, n° 17-26156 et n° 17-26158). L'avocat général prés la Cour de Justice de l'Union Européenne avait déjà pris des conclusions pour indiquer que selon lui, la question posée relevait bien de la Directive service puisque les locations meublées entraient dans son champ d'application, que la procédure de changement d'usage et les conditions posées constituaient effectivement une restriction à la libre prestation de service, et que la question était de savoir si cette restriction était fondée et proportionnée. L'avocat général avait indiqué qu'elle lui paraissait fondée, pour des motifs d'intérêt général, notamment celui de rééquilibrer le marché locatif parisien en permettant d'assurer une offre de logement à des prix abordables et destinés à une location de longue durée. Sur la proportionnalité, l'avocat général s'était interrogé en se demandant dans quelle mesure l'octroi d'une telle autorisation pouvait être subordonné à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation, de locaux ayant auparavant un autre usage, surtout pour une surface jusqu'à deux fois supérieure à celle louée. La Cour de Justice de l'Union Européenne a rendu son arrêt le 22 septembre 2020 (Cour de Justice de l'Union Européenne, 22 septembre 2020, affaire C-724/18 et C-727/18, Cali Apartments SCI et H.X contre Ville de Paris). La Cour de Justice de l'Union Européenne a repris le raisonnement de son avocat général, qui peut être résumé ainsi : application de la Directive service, dite également Directive Bolkestein, qui rappellera des souvenirs aux amateurs de plombiers polonais. La législation critiquée constitue effectivement une entrave à la liberté de prestation de service mais elle est ici jugée respectant les exigences de clarté, d'objectivité, de publicité préalable et également fondée sur des raisons impérieuses d'intérêt général en ce qu'elle vise à établir un dispositif de lutte contre la pénurie des logements destinés à la location de longue durée avec pour objectif de répondre à la dégradation des conditions d'accès au logement et aux tensions sur le marché immobilier des grandes villes. La question de la proportionnalité est plus délicate puisque si la Cour considère que la règlementation est proportionnée à l’objectif poursuivi en ce qu’elle est circonscrite à l’activité de location, et que le régime d’autorisation a une portée géographique restreinte, la Cour s’interroge néanmoins sur la proportionnalité du mécanisme de compensation. En effet, la Cour de Justice de l’Union Européenne insiste sur le fait que c’est à la Juridiction nationale qu’il revient le devoir et la charge de vérifier si le mécanisme de compensation est proportionné en ce qu’elle devra :
  • Vérifier si cette faculté d’autorisation répond effectivement à une pénurie de logements destinés à la location de longue durée, constatée sur le territoire des communes concernées ;
  • S’assurer que cette faculté s’avère adaptée à la situation du marché locatif local, mais également compatible avec l’exercice de l’activité de location.
C’est ce dernier point qui risque de poser difficulté car la Juridiction nationale devra prendre en considération d’une part la sur-rentabilité déjà constatée de l’activité de location de meublés saisonnière par rapport à celle de location de longue durée en loyer nu, mais également s’assurer que les modalités pratiques qui permettent de satisfaire à l’obligation de compensation dans la localité concernée sont susceptibles d’être satisfaites, par une pluralité de mécanismes de compensation qui répondent à des conditions de marché raisonnables, transparentes et accessibles. Sur ce point, on peut se demander si la réglementation mise en place, notamment à PARIS, qui oblige le changement de destination de locaux commerciaux ou industriels en locaux d’habitation pour une surface parfois double de celle dont la location est envisagée, est proportionnée, notamment à l’égard de propriétaires loueurs non professionnels, au regard, notamment, de l’impossibilité de satisfaire à une compensation par d’autres mécanismes que celui-ci, dans des conditions de marché raisonnables et accessibles. Lorsque l’on connaît en effet le prix au mètre carré des locaux parisiens, même de commerce ou industriel, on peut se demander comment on pourrait considérer comme proportionnée la compensation obligatoire pour un non professionnel, souhaitant louer son bien immobilier pour de courtes durées, en locations meublées saisonnières, consistant à acquérir un bien commercial ou industriel dans le même secteur d’une superficie deux fois supérieure et de le transformer en local d'habitation. On attendra donc avec impatience la décision à venir de la Cour de Cassation, qui avait posé les questions préjudicielles à la Cour de Justice il y a déjà deux ans, en novembre 2018. Affaire à suivre donc….   Source : Cour de Justice de l’Union Européenne, Grande Chambre : 22/09/2020 – Affaire n° C-724/18 et C-727/18)

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