Les limites à l’application de la lex fori en matière d’exception d’incompétence internationale

Publié le : 23/02/2021 23 février févr. 02 2021

Lorsqu’une des parties au procès conteste la compétence du juge étatique saisi au profit d’un juge d’un autre Etat, dans le cadre d’un litige en cours, c’est la loi de l’Etat du juge saisi qui s’applique. On parle également d’application de « la loi du for » ou de « la lex fori ».   Or, le Code de procédure civile français dispose, en son article 75 : « s’il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d’irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée ». Ainsi, en droit français, les parties sont tenues, d’une part, de motiver leur demande visant à voir le juge français se déclarer incompétent en justifiant de moyens de droit et de fait et, d’autre part, de faire connaître la juridiction devant laquelle la partie soulevant l’incompétence demande que l’affaire soit portée.  A défaut, la demande est irrecevable et le juge français ne déclinera pas sa compétence. Pris dans son sens strict, l’application de cet article suppose donc une connaissance spécifique des dispositions procédurales à la fois françaises ainsi que de l’Etat dans lequel la partie souhaite que l’affaire soit portée. Une telle inflexibilité pourrait être particulièrement dommageable dans un contexte international pour la partie soulevant l’exception d’incompétence. Rappelons, en effet, que l’exception d’incompétence doit être soulevée avant toute défense au fond et fin de non-recevoir, c’est-à-dire, en termes procéduraux « in limine litis ». A l’inverse, pour la partie demanderesse, les dispositions de l’article 75 du Code de procédure civile permettent de faire efficacement échec à l’exception d’incompétence, qui peut aisément soulever l’absence de précision de la partie adverse. Le présent arrêt modère les conditions d’application de l’article 75 du Code de procédure civile en cas d’exception d’incompétence internationale, même lorsque les juridictions de plusieurs Etats sont visées. En l’espèce, une société française a assigné une société de droit anglais et domiciliée au Royaume-Uni devant une juridiction française. La société anglaise soulève une exception d’incompétence, demandant au juge français de se déclarer incompétent au profit des juridictions anglaises ou écossaises selon le choix du vendeur.  (En effet, en matière contractuelle, selon le règlement Bruxelles I bis, plusieurs tribunaux peuvent être compétents pour se prononcer sur un litige né de l’exécution de ce contrat : juridiction de l’Etat où le défendeur est domicilié, juridiction de l’Etat dans lequel les marchandises ont été livrées …) Reste que dans l’affaire qui nous occupe, la désignation des « juridictions anglaises ou écossaises selon le choix du vendeur » ne satisfait aucunement les dispositions de l’article 75 du Code de procédure civile précité qui demande aux parties de se montrer particulièrement précises dans la désignation de la juridiction compétente.  C’est dans ce contexte que la Cour d'appel de Lyon déclare irrecevable l’exception soulevée par la société anglaise. La société anglaise se pourvoit en cassation. La Cour de cassation casse l'arrêt d'appel en rappelant, fort heureusement, que « dans l’ordre international, satisfait aux exigences de ce texte, la partie qui fait connaître, dans son déclinatoire, que l’affaire doit, conformément aux règles de conflit applicables, être portée devant les juridictions d’un autre Etat, la recevabilité de l’exception n’étant pas subordonnée à l’indication de la juridiction dudit Etat devant être précisément saisie ni des règles de sa loi interne permettant cette désignation. Il en est de même lorsque ces règles de conflit offrent au demandeur le choix entre plusieurs fors internes d’un même Etat ».   Source : Civ. 1, 27 janvier 2021, n°19-23.461. Lien : https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/premiere_chambre_civile_568/97_27_46357.html  

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