Agents municipaux, vous n’êtes pas les bienvenus !

Publié le : 30/07/2019 30 juillet juil. 07 2019

L’article L461-1 du Code de l’urbanisme prévoit qu’un certain nombre d’autorités, parmi lesquelles les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire, peuvent visiter les lieux accueillant ou susceptibles d’accueillir des constructions, aménagements, installations et travaux soumis aux dispositions du Code de l’urbanisme afin de vérifier que ces dispositions sont respectées. Toute la difficulté réside dans le fait que l’agent peut pénétrer dans les lieux d’office, sans aucune autorisation, ni du propriétaire ou de l’occupant, ni du juge ! En l’espèce, un permis de construire avait été délivré par la commune en 2006. En 2009, deux agents de la ville sont venus visiter les lieux, sur le fondement du texte précité, sans que l’occupant des lieux y ait préalablement consenti. Constatant que la construction ne respectait pas le permis de construire, les agents ont dressé un procès-verbal en ce sens. En 2010, suite à une autre visite, un nouveau procès-verbal a été dressé. Pour cette seconde visite, l’occupant avait donné son autorisation mais en la limitant aux seules parties de la propriété concernées par le premier procès-verbal. Le second procès-verbal a constaté l’obstacle au droit de visite (concernant les parties pour lesquelles l’occupant avait refusé d’autoriser la visite) et le non-respect des autorisations délivrées. L’occupant a été mis en examen pour construction sans permis et entrave au droit de visite. Il a saisi la Chambre de l’instruction afin de demander l’annulation du procès-verbal dressé en 2009 et l’entière procédure en découlant. Il invoquait l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, qui protège le droit au respect à la vie privée. La Chambre de l’instruction a rejeté sa requête en estimant que les agents avaient agi sur le fondement de l’article L461-1 du Code de l’urbanisme sans porter atteinte au respect à la vie privée du requérant. Devant la Cour de cassation, l’occupant des lieux a posé une question prioritaire de constitutionnalité que la Haute juridiction a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel, estimant que l’article L461 du Code de l’urbanisme n’autorisait aucune mesure coercitive de nature à porter atteinte au principe d’inviolabilité du domicile. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi. Dernier recours : la Cour européenne des droits de l’Homme. Cette Juridiction commence par relever que la notion de domicile doit être entendue au sens large, comprenant aussi la résidence secondaire (ce qui était le cas en l’espèce). La Cour considère qu’il existe effectivement une ingérence dans le domicile. Reste dès lors à déterminer si cette ingérence est justifiée. La Juridiction commence par relever que la disposition légale en cause est accessible est prévisible : tout individu qui sollicite un permis de construire peut s’attendre à être contrôlé. Par ailleurs, l’ingérence poursuit un but légitime : celui de la recherche et la poursuite des infractions pénales. Cependant l’ingérence n’est pas proportionnée. La Cour note à cet égard que les visites domiciliaires :
  • Peuvent concerner tant les constructions en cours que celles déjà achevée, pendant un délai de 3 ans (délai portée à 6 ans par la loi du 23 novembre 2018)
  • Peuvent être réalisées à tout moment
  • Ne nécessitent pas l’accord préalable de l’occupant, ni l’autorisation du juge
Sur ce dernier point, la Cour relève que les réponses ministérielles recommandant aux agents de rechercher l’accord préalable de l’occupant ne sont pas appliquées. La faculté de s’opposer à la visite est purement théorique puisque le refus est en lui-même incriminé par le Code de l’urbanisme ! Également, la Cour considère que le risque de dépérissement des preuves d’infraction est très faible et ne peut dès lors pas justifier l’ingérence. Enfin, la Juridiction estime qu’il n’existe pas de contrôle judiciaire efficace puisque la Chambre de l’instruction a refusé d’annuler le procès-verbal sur le fondement de l’inviolabilité du domicile. Pour l’ensemble de ces raisons, la Cour condamne la France : les dispositions de l’article L461 du Code de l’urbanisme prévoient une ingérence dans la vie privée qui n’est pas proportionnée par rapport au but légitime recherché. Reste désormais à voir si le législateur français modifiera l’article de loi incriminé. Cour européenne des droits de l’Homme, 6 mai 2019, Halabi contre France, requête N°66554/14 https://hudoc.echr.coe.int/fre#{%22fulltext%22:[%22Halabi%22],%22sort%22:[%22kpdate%20Descending%22],%22documentcollectionid2%22:[%22GRANDCHAMBER%22,%22CHAMBER%22,%22COMMITTEE%22],%22itemid%22:[%22001-192987%22]}

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